lundi 8 avril 2024

Texte 8

 

Carte : invasion de mouches.

Couleur : gris.

 

Scène 30.

Parloir du centre de détention pour jeunes délinquants violents.

 

Aymard :

Un mois d’isolement pour deux coups de pied bien placés !

Je n’ai même pas pu voir mon avocat.  Heureusement qu’on avait eu le temps de prendre certaines dispositions…

Ah, je l’ai mis dans un drôle d’état, ce maton.  On ne risque pas de le revoir de sitôt rôder dans les douches !  Vouloir me tripoter, non mais !  Il paraît que j’ai massacré ses roubignoles !  Il est à l’hôpital pour un bon bout de temps, celui-là…

Isabella :

Monsieur Aymard, depuis la mort de votre oncle, je n’ai plus aucun revenu.

Aymard :

Vous avez hérité, je suppose…

Isabella :

Il n’avait rien mit de côté.  Il dépensait tout et je me retrouve même avec ses dettes.  Vous devez m’aider, monsieur Aymard.        

Aymard :

Vous n’êtes pas vite gênée, la totoche !  Cherchez du travail !  Du vrai, cela vous changera de ce que vous avez fait jusqu’à présent !

Isabella :

Un huissier m’a signifiée de quitter le domaine endéans les trois mois !  Que vais-je devenir ?

Aymard :

Je m’en moque !  Notre avocat suit nos instructions.  « Nos instructions », je parle encore comme si Wendy était toujours là…

Isabella :

La pauvre fille !  C’est de votre faute aussi…

Aymard :

Ne parlez pas d’elle !

Isabella :

Votre palmarès à tous deux était déjà bien chargé quand votre oncle m’a engagée !

Aymard :

Vous êtes venue pour nous juger à nouveau ?  Retournez d’où vous venez !  Vous n’avez rien à attendre de moi !

Isabella :

Vous êtes très dur, monsieur Aymard…

Aymard :

Et vous, vous êtes très stupide de croire que je pourrais vous aider !  Disparaissez !

 

Scène 31.

Aymard seul dans sa cellule, la nuit…

 

Aymard :

J’en ai marre de cette grisaille.  Voilà plus d’une semaine qu’il pleut.  Je n’ai même pas eu mon préau quotidien.

Cet enfermement commence à me taper sur les nerfs.

Si au moins Wendy était à mes côtés.

Peu importait la météo, on ne s’ennuyait jamais ensemble.

Oh ma Wendy, je ne vis plus sans toi.

Même quand je me branle, je n’ai plus de plaisir.  Je voudrais tellement me réfugier à nouveau entre tes bras, sentir ton ventre palpiter, voir tes yeux chavirer.

Ce rêve est devenu un cauchemar.

Je n’en dors plus la nuit. 

Ma seule compagne est une mouche.  Je laisse du sucre sur la tablette de la fenêtre grillagée.  Parfois, elle vient avec une copine ou deux et pendant quelques secondes, observant leur manège, je parviens à taire mon obsession de toi.

Mais très vite, ton souvenir me rappelle à l’ordre et je me reprends à te parler, encore, toujours…

Je sais que tu es là !

Dans ma grisaille, toutes les mouches du monde ne pourraient me distraire de toi.

Mon aimée, mon adorée, plus rien ne m’intéresse.

On me propose des ateliers créatifs ou de réinsertion sociale.  Qu’ils aillent se faire foutre !

Plus rien n’a de sens pour moi puisque tu n’es plus à mes côtés.

Je n’ai plus envie de rien.

Je ne mange plus.  D’ailleurs je n’ai plus de fourchette ou de couteau.  Retirés par sécurité !  Je n’ai plus qu’une cuiller...

Ils ont peur que je me laisse aller, que je dépérisse, que j’envisage une fin…

La fin de quoi ?

De notre histoire ?  Jamais !

Notre amour est éternel et je ne regrette rien.

Si, une chose !  Pourquoi t’ai-je demandé le fusil de Grand-père ?

Pour le reste, on s’est bien amusés, non ?

 

Scène 32.

Aymard git sur le sol, il s’est ouvert la gorge avec la cuiller cassée en deux !

 

Aymard :

Que ça dure longtemps !  J’ai l’impression d’être sur ce sol depuis des heures.

Que de sang aussi !  Pourvu qu’il ne passe pas sous la porte et alerte les matons de garde…

Ouvre-moi tes bras, ma Wendy.  J’arrive ma Wendy, j’arrive…

Mon regard se trouble petit à petit…

Je ne maîtrise plus mes membres...

Je m’endors sans plaisir, sans joie…

Des milliers de mouches m’entourent comme si elles voulaient m’emmener loin d’ici, loin, vers toi…

 

697  mots.