lundi 26 février 2024

Texte 6.

 

Carte : Infarctus/angor.

Couleur : Blanc.

 

Scène 21.

 

L’oncle :

Votre grand-père ne m’appréciait guère, c’est de notoriété publique !  Votre mère, ma sœur, a hérité du domaine entier et je n’ai eu que l’usufruit de l’oliveraie !  À votre tour, vous avez hérité de tout le patrimoine et rien n’a changé pour moi…

Wendy :

L’usufruit de l’oliveraie rapporte pas mal, si j’en crois les comptes annuels…

L’oncle :

C’est bien moins que ce que rapportent les autres plantations, si j’en crois les comptes annuels !

Aymard :

Nos parents l’ont voulu ainsi et n’ont fait que perpétuer les dernières volontés de Grand-père !

Wendy :

Et aujourd’hui, contre leur volonté, nous vous offrons la pleine jouissance de l’oliveraie en échange de notre émancipation.  C’est à prendre ou à laisser !

Aymard :

Ça augmente votre part d’héritage, c’est ce que vous voulez, non ?

L’oncle :

Vous ne croyez tout de même pas que cet arrangement vous blanchira de vos crapuleries ?  Vous n’êtes pas naïfs à ce point.

Aymard :

Que faites-vous Isabella ?  Où allez-vous ?

Isabella :

Chercher à boire…

Aymard :

Restez ici, vous n’appellerez personne, compris ?  Wendy, va chercher le fusil de Grand-père.  La clé de la vitrine aux armes est dans le tiroir gauche de son bureau, avec les cartouches…

Wendy :

Est-ce bien nécessaire ?

L’oncle :

Pas de bêtise, Aymard !  Ne commettez pas l’irréparable.  Vous y avez échappé de justesse avec l’agression du vigile de la banque…

Aymard :

Le vigile, c’était un accident !  Vous ne risquez rien si vous vous tenez tranquilles, compris Isabella ?

Wendy :

Tiens, prend !  L’arme est encore chargée par Grand-père lui-même.  Sois prudent Aymard.  Je t’en supplie !

Aymard :

Alors, mon oncle, que décidez vous ?  L’oliveraie et notre émancipation ou… ne plus rester notre tuteur que pour deux ans encore ?  Vous aurez de toute façon des comptes à rendre sur la gestion de nos biens et on ne laissera rien passer, croyez-moi.

Wendy :

Soyez raisonnable, mon oncle…

L’oncle :

Sous la menace, jamais !  Donnez-moi ce fusil !

Aymard :

Venez le chercher, si vous l’osez !

Isabella :

Santa Ma᷉o de Deus !  Ça va mal finir, je le sens !

 

Scène 22.

L’oncle s’avance, saisi le canon du fusil, le coup part et la balle atteint Wendy en plein front.

 

Aymard :

Regardez ce que vous avez fait !  Assassin !  Assassin !  Wendy, ma Wendy.  Oh mon Dieu, qu’est-ce que je dois faire ?  Une ambulance, appelez une ambulance, vite, une ambulance.  Elle saigne, regardez comme elle saigne, c’est affreux !  Et ce trou dans sa tête, oh mon Dieu, ce trou qui saigne !  Arrêtez ça, mais arrêtez ça, elle perd tout son sang, c’est horrible !  Qu’est-ce que vous avez fait mais qu’est-ce que vous avez fait !  Bougez-vous, mais remuez-vous, faites quelque chose, on ne peut pas la laisser comme ça…

Isabella :

Pauvre fille.  Que Deus lui pardonne et l’accueille au Paradis !  J’ai appelé la police…

L’oncle :

Et les secours, tu as appelé les secours ?

Isabella :

La police les avertit automatiquement, non ?

 

Scène 23.

 

Isabella :

Meu coraca᷉o !  Qu’est-ce qui t’arrive ?  Tu es tout blanc !  Tu trembles, assied-toi, donne-moi ce fusil.

L’oncle :

Ce n’est rien.  L’émotion…  J’ai du mal à respirer !

Isabella :

Ouvre ton col, je vais t’aider…

L’oncle :

Arrête !  Tu me fais mal, j’ai un poids sur la poitrine, je ne sens plus mon bras gauche…

Isabella :

Bom Deus !  Tu fais un infractous cardiaco !

L’oncle :

Un infarctus !  Un infar ! Ah que c’est agaçant cet accent portugais quand tu t’énerves !  Quand donc t’en débarrasseras-tu ?

Isabella :

Calme-toi, meu coraca᷉o !  J’entends les sirènes de la police…

L’oncle :

Les secours, j’espère. Oh les secours, vite, les secours, je me sens de plus en plus mal ! 

Aymard :

Wendy, elle ne respire plus !  Vous l’avez tuée !  Wendy, qu’est-ce que je vais devenir sans toi ?  J’ai besoin de toi, tu entends, j’ai besoin de toi !  Reviens, je t’en supplie…

 

688  mots

4 commentaires:

internetfiction2 a dit…

Bonjour Jan,
J’adore ce nouvel épisode de ta fiction, malgré noirceur et cynisme qui flottent sur l’histoire, une nouvelle fois !
Wendy, la « moins pire » du duo meurt ! Dommage ! L’oncle va sans doute trépasser ou peut-être devenir un légume. Bref, ça sent le roussi pour lui.
Aymard aura-t-il l’impunité totale ? Il ne reste plus beaucoup de chapitres pour nous le dévoiler. Je me demande comment tout ça va finir ? Le suspens reste entier. Impossible de deviner comment ton imagination fertile va pirouetter.
Je souris malgré moi lorsque l’oncle râle après l’accent portugais d’Isabella alors qu’il est défaillant. Finalement serait-ce cette femme ton atout de virevolte ?
Bravo pour la vivacité des échanges. Phrases courtes, très efficaces pour nous placer au cœur de la scène.
Je suis épatée et plus que jamais impatiente de lire la suite.
Suggestion : Penché sur Wendy déjà morte, les yeux d’Aymard balayent un dessous de commode et aperçoivent le petit couteau suisse qu’il pensait avoir perdu.
Bien à toi. Françoise

Atelier Windels a dit…

Bonjour Jan,
Ah ! Tu tues déjà un de tes deux personnages principaux !
Comment va se terminer ton histoire ?
Que vont devenir Aymard et l'oncle ?
L'objet perdu et retrouvé : la clef d'un coffre-fort.
Tes personnages sont de vrais monstres, je serais surpris de lire la suite...
Bien à toi,
Michel.

Juloluca@gmail.com a dit…


Bonjour, Jan…

Eh bien, si je m’attendais à ça ! Un marchandage aussi mesquin, aussi plat ! Il est vrai que tes jeunes sont vachement mal embarqués. Il faut qu’ils convainquent l’oncle avec ce qu’il convoite le plus : le fric !
Quelle idée de la part d’Aymar de recourir à un fusil ! Et de s’en saisir !
Et quelle inconscience aussi de la part de l’oncle de s’avancer de manière aussi incongrue vers le danger !
Là, où je suis surprise davantage encore, c’est que tu supprimes le personnage le plus attachant de la bande ! Wendy ! J’aimerais qu’elle s’en sorte, mais… avec une balle en plein front, il y a peu de chance.
L’oncle, lui, échappera peut-être au pire.
Petit bémol, si tu permets : je ne suis pas sûre qu’au moment de faire un infarctus on ait la présence d’esprit de ricaner à propos d’un accent portugais !
Qu’est-ce qui peut atteindre Aymar, à présent ? Un profond chagrin, certainement.
Mais, alors qu’il s’apprête à mettre de l’ordre dans sa vie et ses finances, il se pourrait bien qu’il retrouve une lettre, jusqu’ici oubliée, négligée… qui va le toucher en plein cœur.
De qui ?
Suis-je trop fleur bleue ?
Que dire du rythme, du style ? Efficace, plus que d’habitude encore ! Les échanges verbaux sont limités mais percutants.
C’est le chapitre que je préfère. En raison de l’action serrée et dramatique, je pense.
Je te souhaite belle inspiration pour terminer cette histoire avec profondeur mais aussi avec éclat.
Amicalement,
Micheline.

Liliane a dit…

Bonjour Jan,

Deux scènes essentielles qui sont décisives non seulement pour l’histoire, amis surtout pour le genre que tu choisis de travailler.
Est-ce que je me trompe en pensant que tu optes définitivement pour le tragi-comique de malfaisants maladroits à la manière des Tontons flingueurs. Une blessure par balle, un infar et malgré tout, je ne prends pas les choses au tragique. Pourquoi ? Parce que tu as mis en place des personnages qui n’ont pas une consistance tragique. Les adolescents, comme les adultes manquent d’envergure dans leur malfaisance et de ce fait le récit est décalé. Quand cela tourne au tragique, c’est malgré eux. Ils sont incapables de gérer et le comble, ils vont faire appel à la police, se livrant ainsi, par incapacité, aux autorités que les uns, comme les autres, devraient à tout prix éviter.
C’est évidemment ce décalage entre les événements tragiques et le côté « bras cassés » des personnages qui fait l’intérêt de l’écriture. C’est aussi dans cette optique que j’ai lu la remarque de l’oncle mourant à propos de l’accent d’Isabella.
Un seul sentiment sonne vrai : l’affection des jumeaux entre eux et, c’est clair, même si je ne prends pas tout cela très au sérieux, je n’ai pas envie de voir mourir Wendy, la plus sympathique du lot. Si mon interprétation de ton intention est juste, elle ne peut pas mourir, mais bien survivre à sa blessure au front : la balle n’aurait fait que l’effleurer ! La vraisemblance n’est pas essentielle dans ce type de production.
A moins que… tu n’aies décidé de changer soudain de registre en articulant le passage du tragi-comique à la tragédie sur la mort de Wendy. Il te reste deux textes pour mettre en place une fin dans le registre que tu choisiras. Le spectateur quittera-t-il la salle en riant ou les larmes aux yeux ? Tu n’as pas choisi la facilité, mais cela ne m’étonne pas, j’ai l’habitude de te voir relever des défis d’écriture.

Ton prochain texte, coloré en bleu traitera d’une séparation.
Bon travail,
Liliane